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I

l serait sans doute prématuré et présomptueux de vouloir tirer une quelconque leçon de la situation de crise actuelle -encore moins d’en donner !-. Il me semble néanmoins opportun d’acter quelques constats alors même que nous sommes dans l’œil du cyclone. Un effort d’observation, un jalon de mémoire et une vision nécessairement personnelle. Peut-être aussi une envie d’être présent au présent.  En tout cas, une volonté de se soustraire un bref instant au système établi sans pour autant prétendre saisir l’ensemble. En définitive, une façon de sortir à la fois du huis-clos oppressant et du tintamarre des réseaux sociaux qui semblent incarner le seul lien qui subsiste.

Qu’il me soit pardonné cette outrecuidance.

Hakam EL ASRI

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E

t si je commençais par cela, dans cette nouvelle aventure du lien à distance imposé, par réseaux sociaux et autres GAFA interposés, qui hier encore incarnaient “le mal nécessaire”, outils de ravissement, qui nous interdisaient d’être avec ou confrontés à nous-même, d’être avec ou confrontés aux autres.

Outils qui scrutent nos empreintes numériques qui, grâce à leur contrôle insidieux de notre vie et un peu aussi à notre désir d’extimité -contraire d’intimité proposé par Jacques Lacan-, réussissent cette ombre projetée “shadow profile” de nous-même encore plus vraie que nature, dont la manipulation sape le fondement même de la vie privée et des libertés individuelles si difficilement acquises.

Mais cela n’est pas tout. Pour l’heure, le réseau social c’est aussi notre écran préféré. Lucarne ambiguë car si elle ouvre vers le monde, elle l’occulte tout autant. Écran paradoxal dont la fonction première est de cacher et qui se veut comme par enchantement un outil de révélation. Un média qui nous connaît, un peu notre miroir, qui, pour nous complaire, se fait si peu objectif, prismatique, déformateur …

Mais cela n’est pas tout. Bientôt à vouloir sortir, pour se retrouver hors d’atteinte et échapper un petit temps au réseau sociaux, on nous prédit le tracking. Tous tracés ? Le Robert Historique -ma constante référence- nous dit qu’en “ancien français, tracer a eu le sens de « traquer, suivre à la trace », sens continué au XVIe s. qui survit en particulier dans le langage de la chasse…” , avant d’en venir “ à l'usage moderne, où l'accent est mis sur l'idée de trait, de ligne…”. Nous serions donc face à la résurgence d’un sens un peu caduque mais si j’osais dire “chassez l’ancien, il revient au galop”. Ainsi, face à nos velléités de libération, on sera très vite repris sous l’emprise de la toile. Internet et consorts se retrouvent à nouveau à la manette pour séparer le contaminé du non contaminé, "l'ivraie du bon grain". Quitte à se faire Big Brother, la bonne entrée, c’est encore la bonne cause ! Et puis, pour notre sécurité et notre protection, sacrifier encore une liberté… qui a jamais fait le compte ?

Premier constat de crise : Nous voilà aujourd’hui définitivement livrés à la toile.

Hakam EL ASRI


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Commentaires: 1
  • #1

    Antoine M (samedi, 25 avril 2020 15:23)

    Tu es tout pardonné!