L'ère des crises

I

l y a quelques mois, j’avais écrit un post sur la crise sanitaire que nous vivons “une crise salutaire ?”…mais la crise persiste !

Je sais, la littérature relative à cette crise quoique redondante est déjà conséquente. En réalité cela ne fait que commencer car nous sommes toujours dans l'œil du cyclone et nous sommes encore loin du compte.

Nous sommes loin d’avoir épuisé l’analyse relative à l’origine de la crise où les causes anthropiques et naturelles se conjuguent. La responsabilité de l’homme y est sans doute indirecte mais elle est bien réelle avec le changement climatique, l’environnement agressé, la fragmentation ou la disparition des habitats naturels… Bien avant le SRAS-COV2 (Corona virus) il y a eu une multitude de crises sanitaires dont le Sida, l'encéphalopathie spongiforme bovine (vache folle), la grippe aviaire, la grippe porcine, le SRAS-1 et très récemment, Ebola, le Zika…

On est encore loin d’avoir examiné nos rapports aux contingences de la crise, notre rapport au risque, à l’incertain, et les supposés mesures prophylactiques mises en œuvre. Si le confinement, le couvre-feu les restrictions de toutes sortes liées à la pandémie ont eu pour conséquence de limiter la propagation du virus -et encore-, les répercussions humaines, culturelles, économiques… sont d’une telle ampleur que cela se résout en définitive dans une crise systémique majeure. Nos rapports à la vie, la liberté, la sécurité, le grand âge, l’isolement, le temps, le travail, … sont particulièrement chamboulés.

Nous sommes encore loin d’entrevoir les incidences à long terme et les changements sociétaux qu’une telle crise peut induire.

Sommes-nous d’ailleurs à vivre une simple perturbation un peu trop longue mais que nos sociétés sauront surmonter dans une démarche homéostatique sans remise en cause majeure de nos façons de faire et de vivre, comme si de rien n'était ? Dans quelques temps, on verra peut-être non seulement la continuation du passé mais des effets d’aubaines et des effets de rattrapages préjudiciables se faire jour.

Sommes-nous au contraire à vivre une réelle rupture, une crise fondamentale, qui questionne notre capacité à penser l'incertain et à imaginer des réponses inédites et la création de nouveaux récits collectifs qui, non seulement donneront un sens à ce que nous vivons aujourd’hui, mais qui permettront de nous projeter dans d'autres futurs possibles.

Peut-être en sommes-nous à l’ère des crises qu’Edgar Morin prédisait pour le siècle dernier. La crise au cœur de notre temps, autrement dit, une situation de crise permanente, consubstantielle à nos façons d’être et de faire.

Une crise fondamentale est une énorme distorsion d’un ordre social assidûment construit, nécessairement l’expression de rapports de forces et de considérations idéologiques établis…  La crise, c’est l’entrée par effraction d’un phénomène nouveau avec lequel on doit désormais compter. Cette crise fondamentale est peut-être l’expression de la faillite d’un temps et la perte d’un monde mais aussi une opportunité pour le redéploiement de l’imaginaire social.

Entre la tentation conservatrice et la projection innovante, le défi que nous avons est de devoir faire différemment. Serons-nous à la hauteur de ce changement de paradigme, en mesure de nous sortir de notre engourdissement ontologique et penser hors du cadre habituel notre place dans et notre rapport au monde ? Saurons-nous concevoir un temps et un monde nouveau ?

Ce n’est pas si simple de défaire et refaire avec les mêmes et en particulier ceux qui ont failli. Là, je me tourne vers notre jeunesse, cette jeunesse qui pense encore -un peu beaucoup- à la fête dont elle a été privée mais qui saura, j’en suis certain, sublimer sa frustration l’heure venue et se montrer ambitieuse pour construire les fondations d’un monde quelque peu différent de celui que nous lui léguons...  Je me garderai bien de donner quelque injonction que ce soit, mais je me prends à penser qu’il serait bon pour elle et avisé de rompre avec l’ère des crises dont nous avons la responsabilité, de nous laisser macérer dans nos contradictions et nos déboires existentiels et de se lancer assidûment à rétablir et concrétiser l’ère des utopies.

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