Déchéance ? Vous avez dit déchéance ?

Il fut un temps, pas si lointain, où pour occuper l’armée et l’opinion publique, on s’inventait un ennemi étranger... -ou on envahissait un pays d’Afrique, c’est selon !- et on en faisait une cause de souveraineté nationale.

L’ennemi de l’extérieur est un concept somme toute très commode pour créer la cohésion et l’unité du pays. “S'ériger contre” a toujours été rassembleur et le discours manichéen  “eux et nous” plus aisé pour gagner les masses.

Un jeu plus contemporain semble désormais prendre forme… rechercher l’ennemi de l’intérieur, s’en préserver, l'ostraciser, l’extirper, le bouter dehors. Retrouver l’exemption d’altération -ou d'altérité- redevient un objectif en ligne de mire… et un discours porteur, à mobiliser certes, avec plus ou moins de modération... Mais qui, chez nos gouvernants, n’abonde pas un tant soit peu ?

Tout a été dit à propos de la déchéance de nationalité pour celles et ceux qui auraient perpétrés des actes terroristes à l’égard de la République. Ceux des nôtres bien sûr, puisque pour déchoir, encore faut-il être des nôtres -avoir été des nôtre ?-… Cela est déjà suffisamment douloureux....

Tout a été dit sur l’inopérabilité de la mesure, son inconsistance et son incapacité à endiguer le mal car, pour la plupart, les postulants terroristes sont déjà en rupture.

Tout a été dit sur le risque d’induire un message contre-productif et dangereux sur le fait que nous sommes tous égaux devant les lois de la République mais que d'aucuns , semble-t-il, sont plus égaux que d’autres.

Tout a été dit sur le risque d’alimenter le discours et donner encore plus d’arguments à nos vrais “ennemis de l’extérieur” pour ressortir encore et toujours combien certains ne sont pas les “vrais enfants”  de la République puisqu’ils sont et seront toujours susceptibles de déchéance dans un temps où les amalgames et les raccourcis s’affirment pour seule connaissance et façonnent  la culture et les jugements…

Tout a été dit sur le risque d’ouvrir la boîte de Pandore, car après tout, le crime de terrorisme n’est qu’un parmi tant d’autres que recense le droit pénal français, tous aussi  infâmes les uns que les autres. Quid des crimes haineux, des crimes contre l’humanité… et pourquoi aujourd’hui s’en tenir au terrorisme… et qu’en sera-t-il demain puisqu’un précédent aura été créé…?

Tout a été dit, pourtant cela sera inscrit dans la constitution française.

Il y a là, encore, un motif légitime de trouble.

Une constitution, me semble-t-il, est autant un acte politique, un choix de destin commun qu’une loi fondamentale.  Une constitution, en dehors de son acception juridique contemporaine est tout aussi la manière dont les choses s’organisent, se créent, se constituent.

La constitution préfigure l’état nation, elle permet d’établir, d’inclure, d’intégrer. Elle protège les droits et les libertés… La constitution incarne la conscience nationale.

Nous en sommes donc aujourd’hui à l’esquisse d’une constitution qui permettra de déchoir!

Notez que le mot déchéance a la même origine étymologique que le terme décadence.

Déchoir ? Vous avez dit déchoir ?

Hakam EL ASRI


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