Une décapitation non décomptée !

Abul ʿAla Al-Maʿarri  était un "homme indigne, un hérétique", il vient d’être décapité !

Ce grand poète connu pour le pessimisme de sa philosophie et une vision du monde d’une infinie tristesse était, et c’est sans doute ce qui nous vaut la décapitation de sa statue, un apostat, un athée en terre d’islam. Une grande partie de sa poésie était antireligieuse. Parmi ses plus célèbres citations, celle-ci donne le ton :

 

Deux sortes de gens sur terre

Ceux qui ont la raison sans religion

Et ceux qui ont la religion sans raison

 

Ce syrien faisait malgré tout la fierté de sa ville natale Maarat al Nou’man, où il vécut isolé mais jouissant du grand respect de ses pairs. C’était la marque jadis, de la civilisation arabe. Au moyen âge, à l’heure de l’obscurantisme chrétien, les poètes et les philosophes arabes jouissaient de grands égards fussent-ils des égarés hérésiarques. Il mourut en 1057 à l’âge canonique -même aux standards actuels- de 87 ans. Il laissa une œuvre abondante  -une centaine de recueils- dont très peu nous parviendra, il est vrai que l’œuvre était quelque peu honnie.

Cet homme avait beaucoup de respect mais n’avait pas d’amis, il se voulait pourfendeur des vanités, des prétentions et des cynismes. Trop fier pour pratiquer le panégyrique auprès des princes, il faisait d’un pessimisme sombre, sa ligne de conduite et se disait triplement prisonnier : de sa cécité, de sa vie et de son insoumission.

 

Abdelaziz Kacem qui s’est penché sur sa vie cite cette anecdote : s’étant plaint auprès d’un visiteur de marque de la méchanceté de certains à son égard, il obtint cette réponse cynique : « Mais que te veulent-ils donc ? Tu leur as pourtant abandonné l’ici-bas et l’au-delà ! ».

 

Près de mille ans après sa disparition, que lui veulent-ils donc ?

En homme clairvoyant il s'était fait ce vœu :

 

Quand je périrai, ô mes amis, il me faudra absolument disparaître de ce monde

 

Et avait prédit ce qui allait advenir :

 

Peut-être dans le temple se trouverait-il des gens, qui procurent la terreur à l’aide de versets

Comme d’autres dans les tavernes, procurent le plaisir 

Hakam EL ASRI


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